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Renvoi en moins de sept heures d'un algérien condamné pour terrorisme : la France condamnée

Public - Droit public général
Pénal - Droit pénal spécial
02/02/2018
Le renvoi d'un algérien condamné pour terrorisme, sept heures seulement après que celui-ci en ait été informé, viole les articles 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants) et 34 (droit de requête individuelle) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Telle est la décision rendue par la CEDH dans un arrêt du 1er février 2018. L'affaire concernait le renvoi vers l'Algérie d'un ressortissant algérien condamné en France pour son implication dans une organisation terroriste. En décembre 2014, M. A. avait déposé une demande d'asile qui fut rejetée par l'Ofpra. La décision lui fut notifiée le 20 février dans le commissariat où il s'était rendu dans le cadre de son assignation à résidence. Les autorités mirent à exécution la mesure d'éloignement et le requérant fut immédiatement conduit à l'aéroport de Roissy. Son avocate, informée que son éloignement était en cours, saisit la Cour d'une demande de mesure provisoire, à laquelle la Cour fit suite le jour même en indiquant au Gouvernement de ne pas procéder au renvoi du requérant vers l'Algérie avant le 25 février. Lorsque les services de police reçurent les instructions nécessaires, les portes de l'avion à bord duquel se trouvait le requérant étaient déjà closes. L'avion décolla pour l'Algérie. A son arrivée, le requérant fut arrêté, placé en garde à vue puis mis en examen et placé en détention provisoire.

La Cour juge, d'abord, que le renvoi de M. A., dont la condamnation pour des faits de terrorisme était connue des autorités algériennes, l'exposait à un risque réel et sérieux de traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH). La Cour note que ce risque est détaillé dans des rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs ONG.

La Cour observe, ensuite, que les autorités françaises ont préparé le renvoi du requérant en Algérie de telle sorte que celui-ci a eu lieu sept heures seulement après que le requérant en ait été informé. Ce faisant, elles ont délibérément créé une situation dans laquelle le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la Cour d'une demande de mesure provisoire et ont, donc, affaibli le niveau de protection de l'article 3 de la CESDH.


Par Marie Le Guerroué

Source : Actualités du droit