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Filtrage des investissements : l’Europe avance rapidement

Tech&droit - Start-up
Affaires - Banque et finance
14/02/2019
Journée importante pour le cadre européen de filtrage des investissements directs étrangers : le Parlement européen vient en effet, le 14 février 2019, d'adopter le texte.
Petit à petit, mais à grands pas, la politique européenne de contrôle des investissements étrangers se précise. De la présentation de la proposition visant à créer le premier cadre à l'échelle de l'UE pour l'examen des investissements directs étrangers par le président Juncker lors de son discours sur l'état de l'Union (Commission européenne, 14 sept. 2017), en passant par l’accord politique le 20 novembre 2018 (Protection des actifs stratégiques : accord politique européen sur un dispositif de filtrage des investissements étrangers, Actualités du droit, 21 nov. 2018), à l’approbation le 14 février 2019 par le Parlement (par 500 voix pour, 49 contre et 56 abstentions) ne se seront écoulés que dix-huit mois.
 
Un délai très court à l’échelle européenne. « La rapidité avec laquelle nous avons pu parvenir à un accord, a souligné Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, témoigne de la nécessité impérieuse de créer des règles au niveau européen en matière de filtrage des investissements étrangers. Nous voulons que l'Europe conserve le régime d'investissement le plus ouvert au monde, mais nous devons aussi défendre les intérêts stratégiques de l'Europe, et pour cela un examen approfondi est nécessaire avant toute acquisition par des entreprises étrangères qui ciblent des actifs stratégiques européens. Je me félicite de la décision du Parlement et j'espère que les gouvernements européens vont lui emboîter le pas rapidement ».
 
Ce que contient ce projet de cadre européen pour les investissements étrangers
Ce cadre constitue le premier outil européen de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) pour des motifs de sécurité et d’ordre public.

Concrètement, le cadre européen pour le filtrage des investissements directs étrangers permettra aux États membres et à la Commission de coopérer et d'échanger des informations sur les investissements de pays tiers susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public dans l'UE : pour Cecilia Malmström : « Il est clair que nous devons répondre aux préoccupations concernant le risque pour la sécurité que posent certains investissements dans des actifs, des technologies et des infrastructures critiques. Désormais, les États membres et la Commission auront un bien meilleur aperçu des investissements étrangers dans l'Union européenne et, pour la première fois, ils auront la possibilité de faire face collectivement aux risques potentiels pour leur sécurité et l'ordre public ».

Le nouveau règlement protège les infrastructures/technologies suivantes :
  • l’énergie ;
  • transport ;
  • télécommunications ;
  • données ;
  • espace ;
  • finance ;
  • semi-conducteurs ;
  • intelligence artificielle ;
  • robotique.
Étant précisé que les négociateurs du Parlement européen y ont ajouté les secteurs de l’eau, de la santé, de la défense, des médias, des biotechnologies et de la sécurité alimentaire.
 
Les députés (Parlement européen, 13 févr. 2019, débats) ont également renforcé le mécanisme de coopération : les États membres pourront échanger les informations entre eux des informations et publier des commentaires sur les IDE ciblant d’autres États membres. Quant à la Commission, elle pourra demander des informations et présenter son avis au pays dans lequel l’investissement est prévu, mais la décision finale reviendra toujours au pays concerné.
 
Ce qu’il faut savoir
– l'UE est la principale destination des investissements directs étrangers dans le monde : les stocks d'investissements directs étrangers détenus par des investisseurs de pays tiers dans l'UE s'élevaient à 6 295 milliards d'euros à la fin de 2017 ;
actuellement, 14 États membres disposent de mécanismes nationaux de filtrage, parfois très différents (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Royaume-Uni) ;
– plusieurs États membres (dont la France) sont en train de réformer leurs mécanismes de filtrage ou d'en adopter de nouveaux.
Commission européenne, sept. 2017
 
Le nouveau cadre (pour une infographie sur ce cadre, v. ICI) :
  • crée un mécanisme de coopération grâce auquel les États membres et la Commission seront en mesure d'échanger des informations, en temps réél, et de faire état de leurs préoccupations concernant des investissements spécifiques ;
  • permet à la Commission d'émettre des avis lorsqu'un investissement constitue une menace pour la sécurité ou l'ordre public de plus d'un État membre, ou lorsqu'un investissement risque de porter atteinte à un projet ou un programme présentant un intérêt pour l'ensemble de l'Union ;
  • encourage la coopération internationale en matière de filtrage des investissements, y compris le partage d'expériences, de bonnes pratiques et d'informations sur des questions d'intérêt commun ;
  • fixe certaines exigences pour les États membres qui souhaitent maintenir ou adopter un mécanisme de filtrage au niveau national ;
  • seuls les États membres décideront s'il convient d'autoriser ou non une opération d'investissement spécifique sur leur territoire ;
  • prend en compte la nécessité d'agir en respectant des délais courts répondant aux impératifs des entreprises ainsi que des conditions strictes de confidentialité.
Le point, en France
– le projet de loi PACTE, tel que voté en première lecture par le Sénat le 12 février 2019  (TA Sénat, n° 60, 2018-2019, art. 55), modifie profondément le contrôle des investissements étrangers (mise en place, notamment, d’un contrôle parlementaire, modification des sanctions, suspension des droits de vote, etc.).
– le texte doit maintenant être examiné en commission mixte paritaire (pour sa composition, v. ICI), le 13 mars prochain.
 
Les prochaines étapes
En parallèle, les services de la Commission achèvent une analyse détaillée des investissements directs étrangers dans l'UE. Et un groupe de coordination avec les États membres a été mis en place pour mieux cerner les préoccupations et solutions stratégiques communes dans le domaine des investissements directs étrangers.

Quelles sont désormais les prochaines étapes ? Le Conseil devrait approuver formellement ce règlement le 5 mars. Le règlement entrera ensuite en vigueur 18 mois après sa publication au Journal officiel.
Source : Actualités du droit