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La semaine du droit pénal général

Pénal - Droit pénal général
13/01/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en droit pénal général, la semaine du 6 janvier 2020.
Concours d’infractions – application de la loi dans le temps
M. X a été condamné :
- le 30 mai 1995, par le tribunal correctionnel de Briey pour des faits d’importation non autorisée de stupéfiants, délit puni de dix ans d’emprisonnement.
- le 28 mai 2008, à quinze ans de réclusion criminelle, par arrêt de la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, pour des faits de vol avec arme en bande organisée en récidive, commis entre les 28 mars 2000 et 10 avril 2003. Le premier terme de la récidive est constitué par la condamnation prononcée le 30 mai 1995.
- le 19 février 2013, à la peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, par arrêt de la chambre criminelle de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg pour des faits de vol avec violences et menaces, avec effraction et fausses clés dans une maison habitée, enlèvement, détention et séquestration d'une personne pour préparer ou faciliter la commission d'un crime, détention d'arme prohibée et port d'arme prohibée, commis le 25 février 1999.
 
Par décision du 12 novembre 2015, prise par application de l’article 132-23-1 du Code pénal, résultant de la loi n°2010-242 du 10 mars 2010, le procureur de la République à Nancy a reconnu et mis à exécution la décision luxembourgeoise, ramenant sa durée à quinze ans, compte tenu du maximum légal applicable, soit trente ans de réclusion criminelle, et de la peine de quinze ans de réclusion criminelle prononcée par la cour d’assises.
 
Cette décision ayant fait l’objet d’une contestation de M. X devant la chambre de l’instruction, laquelle se trouvait saisie également d’une demande de confusion des deux peines, cette juridiction, par deux arrêts du 1er décembre 2016, s’est déclarée incompétente pour statuer sur la contestation de la décision du ministère public et a partiellement accueilli la demande de confusion. Saisie de pourvois contre ces décisions, la Cour de cassation (Crim., 5 septembre 2018, n°17-80.580 et 17-80.578) a rejeté le pourvoi formé contre la décision d’incompétence mais a cassé l’arrêt portant sur la confusion, la décision du procureur de la République n’ayant pas acquis un caractère définitif, faute d’avoir été régulièrement notifiée au condamné.
La décision du procureur de la République, en date du 12 novembre 2015, ayant été régulièrement notifiée à M. X le 28 novembre 2018, celui-ci l’a contestée par requête déposée devant la chambre des appels correctionnels ;
 
Vu les articles 112-2, 132-2, 132-4, 132-5, 132-8 et 132-23-1 du Code pénal ;
Selon le premier de ces textes, les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines sont applicables immédiatement aux condamnations prononcées pour des faits commis avant leur entrée en vigueur, quand elles n’ont pas pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation.
Selon le deuxième, il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction.
Selon le troisième, lorsque, à l’occasion de procédures séparées, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé.
Selon le quatrième, lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs des infractions en concours, n’a pas été prononcée, le maximum légal est fixé à trente ans de réclusion criminelle.
Selon le cinquième, lorsqu’une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement par la loi, commet un crime passible de vingt ou trente ans de réclusion criminelle, le maximum de la peine de la réclusion criminelle encourue est porté à la perpétuité. 
Selon le sixième, issu de la loi n°2010-242 du 20 mars 2010, pour l’application du Code pénal et du Code de procédure pénale, les condamnations prononcées par les juridictions d’un Etat membre de l’Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets juridiques.
 
Pour fixer à vingt ans le maximum légal des peines devant être exécutées par M. X au titre des condamnations prononcées contre lui le 28 mai 2008 et le 19 février 2013, la cour d’appel énonce que la loi du 10 mars 2010 n’était pas applicable à la date de l’arrêt de la cour d’assises du 28 mai 2008, et qu’il ne peut être tenu compte des effets de la récidive.
 
En prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés :
En effet :
La condamnation prononcée le 28 mai 2008 réprimait des faits de vol avec arme en bande organisée, pour lesquels la récidive était visée, ce qui portait le maximum encouru à la réclusion criminelle à perpétuité, compte tenu de la peine encourue en l’absence de récidive, soit trente ans de réclusion criminelle, et du premier terme de la récidive, constitué d’une condamnation pour importation illicite de stupéfiants, délit passible de dix ans d’emprisonnement.
Avant l’entrée en vigueur de la loi 20 mars 2010, les dispositions de l’article 132-4 du Code pénal ne pouvaient être appliquées, et les deux peines auraient dû être exécutées cumulativement, pour une durée totale de trente-trois ans. L’application de l’article 132-23-1 du Code pénal conduisant en l’espèce à la réduction de la durée des peines à exécuter, cette disposition constitue donc une disposition plus favorable pour le condamné et s’applique immédiatement à la présente affaire.
Par application de l’article 132-23-1 du Code pénal et de l’article 132-5 du même Code, le maximum légal encouru par M. X à l’occasion des deux peines prononcées à son encontre le 28 mai 2008 et le 19 février 2013 s’élève, en conséquence, à trente ans de réclusion criminelle.
La cassation est encourue. Elle interviendra sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de faire application de la règle de droit appropriée et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ».
Cass. crim., 8 janv. 2020, n° 19-80.349, P+B+I*

Terrorisme – apologie – recel de biens
« Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure qu’à la suite d’une visite, effectuée sur autorisation du juge des libertés et de la détention, du véhicule utilisé par M. X et du domicile de ses parents où il résidait, ont été découverts, dans son ordinateur portable et ses deux téléphones portables, de nombreux documents et des enregistrements audiovisuels faisant l’apologie d’actes de terrorisme.
Poursuivi devant le tribunal correctionnel pour recel de biens provenant du délit d’apologie d’actes de terrorisme sur le fondement des article 321-1 et 421-2-5 du Code pénal, M. X a été condamné à cinq ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, ainsi qu’à une interdiction de séjour en Moselle de cinq ans et à la confiscation des scellés.
Entre dans les prévisions des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal le fait de détenir, à la suite d’un téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant l’apologie d’actes de terrorisme. 
Cependant, une condamnation de ce chef n’est compatible avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que si est caractérisée, en la personne du receleur, son adhésion à l’idéologie exprimée dans de tels fichiers.
Pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu et le condamner à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, outre la confiscation des scellés, l’arrêt énonce qu’en effectuant des téléchargements volontaires de fichiers faisant l’apologie du terrorisme, M. X s’est procuré et a détenu en toute connaissance de cause des choses provenant d’une action qualifiée crime ou délit par la loi.
Les juges ajoutent, par motifs propres et adoptés, que le comportement de M. X démontre une certaine adhésion aux propos apologétiques et que la multiplicité, la diversité et le caractère volontaire de la sélection des documents téléchargés excluent qu’il ait pu agir de bonne foi par simple curiosité, quête spirituelle ou parce qu’il se retrouvait dans une situation de détresse psychologique, matérielle et familiale ainsi qu’il le prétend. 
En l’état de ces énonciations, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel doit être rejeté ».
Cass. crim., 7 janv. 2020, n°19-80.136, P+B+I *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 13 février 2020

Source : Actualités du droit